Restauration de l’iconostase (photos)
L’iconostase de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky à Paris fut créée en même temps que la construction de celle-ci, en 1861. Quatre peintres russes ont travaillé sur l’ensemble pictural de la cathédrale dont trois sur l’iconostase proprement dite: Théodore Bronnikov et les frères Eugraphe et Paul Sorokine.
Le niveau inférieur de l’iconostase est composé de six grandes icônes représentant, selon les règles liturgiques, le Christ à droite et la Vierge à gauche des Portes Royales, Saint Alexandre Nevsky, patron de l’église, du côté du Christ et Saint Nicolas de celui de la Mère de Dieu, l’Archange Michel et Saint Stéphane sur les portes diaconales. Le niveau supérieur est consacré, autour de l’icône de la Trinité, aux rois et prophètes de l’Ancien Testament à gauche et à des saints du Nouveau Testament à droite. Une très jolie Croix double-face surmonte l’ensemble. Elle est sans doute plus ancienne que la cathédrale elle-même et non réalisée par ce groupe d’artistes.
Presqu’un siècle après la construction de la cathédrale, entre 1951 et 1953, l’iconostase fut une première fois restaurée. A l’issu de cette restauration, son aspect visuel a totalement changé. A l’origine, la structure en bois était entièrement dorée. La dernière compagne de restauration conduite en 2021 et les études préalables au projet ont bien mis en évidence l’existence de cette dorure. Mais au milieu du siècle dernier, le Conseil paroissial a décidé de repeindre l’iconostase avec une couleur brun-rouge en soulignant quelques reliefs à la bronzine dans le but de donner un aspect plus naturel à la structure en bois. Ainsi notre iconostase a perdu son manteau doré. Cependant, le contraste apporté par cette teinte générale brune avec l’or du fond des icônes met clairement en valeur les images sacrées.
Au XXIème siècle, l’état général de l’iconostase (structure et icônes) nécessita une restauration approfondie : la structure en bois présentait des altérations structurelles et esthétiques notamment liées à l’usage liturgique pour ces dernières (encrassement, usures, enfoncements). Deux entreprises ont travaillé sur la structure : au début des travaux « Les ateliers de la chapelle » a été chargée des réparations fonctionnelles pour consolider la structure en bois. Puis Louise Froidevaux et Pauline Voirin, deux conservatrices-restauratrices se sont occupées du nettoyage et restauration de son décore.
Les treize icônes de l’iconostase ont été confiées à la restauratrice Célia Lacaille avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, grâce à son savoir-faire plusieurs icônes de la cathédrale ont retrouvé leurs splendeurs et la beauté.
Certaines icônes de l’iconostase présentaient d’importantes déformations pour la rangée supérieure, plus généralement des problèmes de pertes d’adhésion, des déchirures et d’anciennes restaurations en mauvais état pour celles du bas. Plus largement, les icônes portaient les marques attendues sur ce type d’objet de vénération : crasse noire liée aux nombreux encensements, baisers et traces de rouge à lèvres, importantes brûlures de cierges, projection de l’huile des veilleuses et coups portés par les objets liturgiques lors des déplacements des célébrants.
Concernant les peintures de la rangée inférieure, les interventions ont permis de mettre à jour au moins une campagne de restauration ancienne jugée très invasive : un nettoyage drastique pour les parties basses qui avait sans doute pour but de dégager les nombreuses projections d’huile et de cire. Cependant, la couche picturale a été très usée par cette intervention. Des surpeints très épais cachaient ces altérations, modifiant les couleurs originales et parfois la composition : ainsi des orteils (surpeints) couvraient les chaussons (peinture d’origine) de la Mère de Dieu, ou encore le pied droit du Christ Pantocrator dépassait du marchepied (surpeint) contrairement à la composition originale. La campagne actuelle de restauration a permis de remettre à jour la peinture originale et de reprendre les usures par des points de retouche colorée.
Ainsi, après la restauration en 2014-2015 de la partie architecturale extérieure de la cathédrale et de quelques très belles icônes anciennes découvertes pendant l’inventaire, ce fut le tour de l’iconostase. La restauration des icônes du niveau supérieur a commencé en 2018 et il a fallu plus de trois ans pour la totalité des treize peintures sur toile et de la Croix de ce magnifique ensemble du XIXème siècle.
En croisant les points de vue des architectes, des historiens de l’art et des conservateurs-restaurateurs, ce travail minutieux et de longue haleine a permis d’approfondir nos connaissances sur ce riche et précieux patrimoine historique qu’est notre cathédrale.
Irina Oboukhova, historienne de l’art
Célia Lacaille, restauratrice